Un écrivain décide d’écrire sur son frère, de deux ans son cadet. Alors qu’il n’avait que treize ans, ce dernier a planté « les premières bornes de son destin ». Une scène de vêlage ouvre le récit et le début d’une nouvelle vie : le plus jeune frère, pris de court, fait naître le petit veau, et, la nuit qui suit, celui qui deviendra écrivain l’entend sangloter dans sa chambre. « Le lendemain », écrit l’écrivain qui tisse les fils de cette sortie de l’enfance, « les premiers signes de sa vertigineuse descente se manifestaient. »
Cependant, l’existence de ce frère n’a rien d’une « descente ». Bien au contraire, elle se déploie et s’élargit, sans aucun doute grâce à l’amour dont il est entouré, celui de ses parents et aussi celui, indéfectible, de son frère aîné. Un amour de chaque instant, indestructible et pourtant aussi léger et doux qu’une plume, parce qu’il n’est jamais surplombant.
Jean-François Beauchemin aborde dans Le roitelet la question de la maladie mentale sous l’angle de la relation aux autres et au monde. Dans des chapitres brefs, ce personnage d’écrivain raconte le temps passé aux côtés de son frère, leur adolescence partagée, puis l’âge adulte, lorsque les parents disparaissent et qu’il reste celui qui veille, inlassablement. Il revient sur le moment où son frère cadet tombe malade, où tombe aussi un diagnostic, comme un verdict, où il faut, dans la famille, accueillir cet être nouveau, nouveau-né au monde de treize ans qui oblige tous les membres de la famille à faire aussi un pas de côté, à naître de nouveau, eux aussi, à s’adapter et à aimer encore davantage. Leur quotidien est révélé par petites touches dans des épisodes qui peuvent sembler anecdotiques, et qui sont pourtant emplis d’une puissance de vie et d’une puissance poétique formidables.
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